Alors que le bonhomme avait multiplié à ses débuts les projets, attestant d'un éclectisme certain, force est de constater que depuis 2007 environ, il s'est consacré quasi exclusivement à son groupe. Du moins en partie puisque sous le nom Oh Sees sort en réalité à la fois des albums avec son groupe et ses albums solos. Quoiqu'il en soit, au fil des albums, les Oh Sees s'étaient mués en machine de guerre garage kraut, en groupe à voir absolument en live pour des prestations souvent brillantes. Les disques solos comme Putrifiers II ou Castlemania permettait à John Dwyer de varier les plaisirs et de mettre en avant une sensibilité plus folk.
2014 sonne pourtant comme un tournant avec la sortie coup sur coup de deux disques singuliers.
Le premier à avoir vu le jour fut ce Hubba Bubba de Damaged Bug dernier projet en date de l'hyper-prolifique californien. Le contenu est à l'image de la pochette, hommage flagrant à Silver Apples (album Contact de 1969) et plus discret à Brian Eno (la photo qui reprend celle présente sur le remarquable Here Come the Warm Jets sorti en 1974). Sur ce disque Dwyer prend le contre pied de ce à quoi il nous a habitué en offrant avec ses compagnons, un disque où le moog est roi ("Gloves For Garbage" est le seul titre où il rebranche la guitare). Il en ressort un disque certes un peu inégal mais qui compense par une absence de complexe vis à vis de ses illustres prédécesseurs. Pour tout dire, Hubba Bubba est assez fascinant. L'enchaînement "Gloves For Garbage"/"Rope Burn" permet d'entrée de plain pied dans cet univers de pop synthétique lo-fi, cette odyssée spatiale auquel nous convie l'ami Dwyer qui se complaît à brouiller les cartes avec ce sens inné du bordel organisé qui le caractérise depuis ses débuts : les bip-bip gentiment old fashion de "SS Cardinia" succédant au sombre "Eggs At Night" avant l'instrumental pour claustrophobes, "Catastrophobia".
L'ensemble est assez déroutant par instant, comme si l'unique fil conducteur était justement l'absence de ligne directrice. Il en résulte des titres parfois sans queue ni tête mais qui par la décomplexion dont font preuve leurs auteurs finissent par convaincre (le trio "Hubba Bubba" / "Sic Bay Surprise" / "Photograph").
Tracklisting : Gloves For Garbage / Rope Burn / Eggs At Night / SS Cassidinea / Catastrophopbia / Hubba Bubba / Sic Bay Surprise / Photograph / Hot Swells / 1-2 An Airplane / Metal Hand / Wasteland
Le second est donc cette nouvelle livraison sous le nom des Oh Sees, Drop, mais qui s'avère être un disque solo pour Dwyer, ses compagnons de jeu ne figurant pas au programme. Au premier abord, Drop peut sembler dans la droite ligne des oeuvre passées par l'usage de formules éprouvées.
Mais c'est le traitement qui surprend avec notamment quelques enrobages sonores (le mellotron est de sortie) qui font directement écho à son travail avec Damaged Bugs comme sur "Penetrating Eye" qui partage une proximité avec les titres de Castlemania. "Encrypted Bound" s'inscrit en droite ligne des titres que propose le groupe depuis Carrion Crawler mais voit l'irruption à mi parcours, d'un saxo !
Le rythme se fait même lancinant sur le très bon "Savage Victory" tandis que Dwyer s'offre une petite récréation sur le primesautier "Put Some Reverb On My Brother".
Un disque éclectique, synthèse parfaite des fascinations passées, présentes (et à venir ?) de son auteur, ce nouvel opus est aussi un album éminemment abordable pour le néophyte qui goûtera à ce morceau-titre "Drop", sonnant comme une jam avec White Fence, "Camera (Queer Sound)", la très belle "King's Nose" sur lequel viennent se poser quelques discrets violons, pour un résultat bowiesque. "The Lens" conclut sur un ultime contre-pied, une ballade avec violoncelle, un album court mais intense, plein de promesses également.
Tracklisting : Penetrating Eye / Encrypted Bounce (A Queer Song) / Savage Victory / Put Some Reverb on My Brother / Drop / Camera / The Kings Nose / Transparent World / The Lens
Nul ne peut dire si John Dwyer se prépare ou non à tourner la page Oh
Sees, mais la sortie de ces deux disques, la remise sur pied de
Coachwhips sont autant d'indicateurs sur un groupe dans lequel Dwyer
semble se sentir à l'étroit.
Quelque soit sa décision, force est de constater que cela
n'influe pas sur la qualité des disques qu'il continue de proposer. Il
reste avec ou sans son groupe, un des artistes majeurs du rock actuel.Frank
Audio et vidéo :
Hubba Bubba en écoute intégrale :
et Drop :
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