Ce musicien d'origine texane, ancien militaire ayant par la suite exercé de multiples métiers, n'en est pas à son 1er coup : Rough & Tumble South est son 5ème album depuis 2001. En ancien chauffeur-routier, Ray Cashman nous prend en stop pour un périple de plus de 1000 km. Très vite, on se rend compte qu'il y a du monde avec nous dans le camion... et plein d'instruments à l'arrière.
Les paysages musicaux défilent derrière le pare-brise : le Texas avec la country de « Mudbugs », la Nouvelle-Orléans avec l'influence dixie sur « Feeling No Pain » (avec le trombone de Diego Vasquez, jouant le thème principal)... On fera plusieurs détours par le Mississippi : « Moving Fast » enrichi par un orgue, puis « Skin » où la guitare et la basse sont un peu plus heavy... On change d'Etat et on leur préfère « Holcomb Roll » où Ray Cashman nous démontre sa maîtrise du slide. On aperçoit déjà au loin les Appalaches, la faute au jeu du banjo sur « Evangeline », accompagné partiellement en finger-picking à la guitare, qui lui donne une rythmique bondissante ? Quant à « Devil & I », ce titre fait la part belle au violon d'Ollie Oshea, une des nombreuses passagères de notre expédition sur l'asphalte américain. L'album se termine superbement sur l'entraînant et country « Turn the Key » où chaque instrument trouve sa place sur une rythmique simple et accrocheuse, qui doit sûrement déclencher danses et tapes du pied en live.
Même s'il est déconseillé de parler au chauffeur, la meilleure façon de mieux connaître Ray Cashman a été de réaliser une interview en imaginant voir le paysage défiler.
---
John the Revelator: Comment avez-vous commencé en tant que musicien? Comment êtes-vous entré dans la musique country et le blues? Cela remonte-t-il à votre enfance du côté de Conroe (Texas), où vous écoutiez jouer de vieux bluesmen noirs ?
Ray Cashman: J'ai toujours aimé la musique et j'ai fini par avoir une guitare quand j'ai eu 14 ans. Ma mère m'a raconté qu'étant enfant, j'avais l'habitude de chanter avec une cuillère lorsque passait un morceau de Johnny Cash. J'aimais aussi vraiment Lightning Hopkins, et de là j'ai pu découvrir tous les bluesmen texans, comme Mance Libscomb et Gatemouth Brown. Je ne me suis intéressé au blues rural que beaucoup plus tard.
JtR: En 2007, vous avez joué avec Grant “Gabby’ Brown (harmonica) and Jimbo Mathus. Sur Rough & Tumble South, Adam Verone est devenu votre batteur “attitré” mais vous jouez aussi avec beaucoup d'autres musiciens : Diego Vasquez (trombone) , Ollie Oshea (violon)... Comment les avez-vous tous rencontrés ?
RC: J'ai rencontré Gabby à Austin (Texas). On a fait une tournée ensemble et rencontré Jimbo Mathus à Memphis (Tennessee). Pour Rough & Tumble, tous les musiciens vivent à Nashville (Tennessee)et c'est une communauté solidaire voire familiale, où les liens sont très serrés. Olly (violon) vit de l'autre côté de la rue d'Adam (batterie).
JtR: Rough & Tumble South ne comprend aucune reprise. Est-ce voulu? Est-ce facile/difficile pour vous d'écrire des paroles ou de composer certains morceaux?
RC: J'ai sorti 6 CDs et écrit tous les titres sauf un. Je compose des chansons depuis que j'ai 16 ans. J'ai écrit plus de 100 chansons. Une de mes premières chansons fut écrite à 15 ans pour un show où chacun venait montrer ses talents. A l'époque nous n'étions pas assez doués avec nos instruments pour faire une reprise d'un titre existant, alors j'en ai écrit que nous pourrions apprendre.
JtR: Qu'est-ce qui vous a amené à l'écriture lorsque vous étiez jeune? Etait-ce une attirance pour la littérature gothique du Sud?
RC: Je voulais être écrivain, j'ai lu “Sur la route” de Jack Kerouac à l'âge de 13-14 ans et j'ai décidé que c'est le métier que je voulais faire. Bien plus tard, j'ai choisi d'essayer et d'écrire des chansons.
JtR: Comment compos(i)ez-vous vos morceaux?
RC: D'habitude, j'ai en tête une mélodie ou un riff que j'aime particulièrement, ce n'est qu'ensuite que je réfléchis à un sujet d'écriture.
JtR: Que pensez-vous de vos 5 albums précédents (Texassippi Stomp, Snake Feast...)? Et du fait d'avoir fait partie des sélectionnés lors des Grammy Awards en 2007?
RC: Faire partie des sélectionnés au Grammy était génial. J'aime tous mes albums mais je ne les écoute pas. Je pense qu'en tant qu'artiste tu préfèreras toujours ton dernier album, donc mon meilleur album est encore à venir.
JtR: En écoutant Rough & Tumble South , j'ai vraiment l'impression de conduire à travers le Grand Sud: « Feeling no Pain » et son trombone sonnent comme les premiers dixieland blues/jazz de la Nouvelle-Orléans, le banjo donne un style country-folk à « Evangeline» (1), alors « Holcomb Roll » est marqué par l'influence des blues interprétés au bottle-neck dans le Mississippi... Est-ce que vous espériez ce ressenti de la part de l'auditeur?
RC: Je ne réfléchis pas vraiment à l'auditeur lorsque je crée une chanson. Si elle sonne bien pour moi, alors je l'aime.
JtR: Quelles sont vos influences musicales?
RC: Mon influence est la bonne musique de nos racines. Quelques uns de mes artistes préférés sont Townes Van Zandt, Lightning Hopkins, Tony Joe White, JJ Cale, Muddy Waters, les Stones, Bob Dylan et beaucoup d'autres. En ce moment, je suis en train d'écouter Drive By truckers et Malcolm Holcomb.
JtR: Vous avez passé 3 ans dans l'armée américaine, puis exercé des métiers très différents (chauffeur routier, charpentier, vendeur automobile...). Si vous étiez dorénavant un guide touristique, quels endroits/bars nous feriez-nous visiter pour se donner une idée claire de la musique dans le Tennessee? Que pourrions-nous voir/écouter en dehors de Nashville?
RC: Aussi grand que soit le Tennessee, Nashville est LA ville de la musique. Il y a des groupes qui jouent dans les bars dès 10h du matin tous les jours. Il y a beaucoup plus à Nashville que cette pop country qui est si populaire. Il y a des tonnes de vrais bons groupes dans tous les genres. Memphis a aussi beaucoup de bons groupes et une bonne scène musicale. Johnson City, dans les Smokey Mountains (2)- partie orientale du Tennessee, est une petite ville remplie de très bonne musique. Et Asheville (Caroline du Nord) est pleine de bars et musiciens sympas, c'est aussi une de mes villes préférées.
JtR: Sur les Porch Swing Sessions (disponibles sur Youtube, utilisées pour promouvoir Rough & Tumble south avant sa sortie), "Feeling no pain" et "Mudbugs" sonnent superbement même si vous jouez seul... Aimez-vous jouer en one-man-band? Avez-vous joué seul par le passé?
RC: J'ai dû, et dois encore, régulièrement jouer en solo. J'apprécie l'âpreté/austérité de cette musique et le fait que l'artiste n'a nulle part où se cacher.
JtR: Vous avez tourné en Europe l'année dernière: plusieurs personnes vous ont d'ailleurs découvert lors du dernier Muddy Roots Festival (Belgique). Aurons-nous la chance de vous voir en France (3) bientôt?
RC: J'espère faire une tournée en France, aux Pays-Bas et en Belgique, plus tard dans l'année. J'apprécie vraiment l'Europe et je travaille actuellement à me construire une audience là-bas et à continuer d'y faire des tournées.
JtR: Pendant un festival musical, un groupe/artiste peut partager la scène avec d'autres groupes/musiciens. Sur notre blog, vous êtes libre de faire la même chose! Y aurait-il un(e) musicien(ne) – injustement méconnu(e) ou pas assez connue – dont vous aimeriez parler à nos lecteurs?
RC: Et bien, un de mes groupes préférés est les 10 Foot Polecats de Boston (Massachusetts). Ce sont des amis, des mecs géniaux, leur musique assure. J'ai aussi parlé de Malcom Holcomb, c'est vraiment un chanteur-compositeur exceptionnel.
JtR : Merci beaucoup Ray ! (4)
(1) Evangéline renvoie au roman « Smonk » de Tom Franklin (écrivain né dans l'Alabama), dans lequel Evangéline - une jeune prostituée - croise un malfaisant notoire nommé Smonk. Votre piètre chroniqueur n'aurait jamais su telle chose, il le tient de Ray Cashman lui-même en réalité. Par contre, afin d'éduquer les masses, on vous rappellera qu' Evangéline est aussi le titre d'un poème de Henry Longfellow, abordant la déportation des Acadiens par les Britanniques au XVIIIème siècle à travers l'histoire de deux amants, Evangéline et Gabriel. Comme d'accoutumée, ne nous remerciez pas pour ces informations qui vous permettront de briller en société.
(2) Smoky Mountains ne renvoient pas à l'image à des volcans fumants au sein de parc national (très belle image au demeurant), mais aux nappes de brume qui voilent régulièrement ces montagnes le matin ou après la pluie.
(3) Les meilleurs d'entre nous l'auront aussi vu en concert le 12 juin dernier à La Féline (Paris).
(4) Une fois de plus, on remercie Nicolas de Nayati Dreams (distributeur du dernier album de Ray) pour nous avoir mis en contact et transmis son dossier-presse.
John the Revelator
In English:
Tracklist :
« Food Song »
« Simple Life »
« Nobody But You »
« Feeling No Pain »
« Mudbugs »
« Moving Fast »
« Evangeline »
« Skin »
« Holcomb Roll »
« Devil & I »
« Turn the Key »
Audio :
3 titres sont écoutables ici : http://www.raycashman.net/listen/
Vidéo :
« Feeling No Pain » - version live (voix/banjo uniquement)
« Mudbugs » - version live (voix/guitare uniquement)
Sources :
Ray Cashman : www.raycashman.net
Nayati Dreams : www.nayatidreams.fr
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire