On ne sait pas pour vous mais on a toujours été amusé du décalage entre l'idée que l'on se fait de la Californie, telle qu'elle est colportée, et la réalité. Comme si pour masquer ses fêlures, les californiens avaient toujours eu besoin de se façonner une image idyllique. Car derrière ses oripeaux sea sex & sun, la Californie c'est aussi la terre de Zodiac, des romans de James Ellroy ou du hardcore. On a d'ailleurs toujours trouvé la musique californienne éminemment mélancolique même quand les Beach Boys bâtissaient des hymnes surf à la pelle.
A cet égard, la musique de Sic Alps est la bande son parfaite de cette face cachée de la Californie, un parfait reflet de ses contradictions et en même temps de la fascination qu'elle exerce. Le son de Sic Alps, c'est un peu comme le côté obscur des Sonny & The Sunsets, qui auraient troqué leur côté enjôleur (le vernis californien) pour une ambiance crade autant que nonchalante, convoquant Pavement, Sonic Youth ou Royal Trux à la fête.
Le disque érige le je-m'en-foutisme à un tel niveau que l'auditeur qui se lance dans une première écoute de ce Napa Asylum composé de 22 vignettes ne dépassant que rarement les trois minutes, en sort au mieux perplexe... Ce n'est pas pour rien que l'on chronique ce disque seulement maintenant, plus d'un an après sa sortie en janvier 2011 : il nous a fallu une bonne douzaine d'écoutes pour réussir à entrer dans l'univers de Mike Donovan et sa bande. Le son lo-fi, la déconstruction des morceaux, cet enchaînement de pop songs malades et de déflagrations sonores, un chant aussi approximatif qu'attachant : tout est fait pour rebuter autant qu'intriguer. Selon son humeur du moment, le rejet du disque peut même être rédhibitoire.
Et pourtant ce Napa Asylum est un disque d'une rare richesse, fourmillant de trouvailles brillantes, qui raviront celles et ceux qui n'ont pas peur du vide. Car si ce disque est si abrasif, si malsain même par moment, c'est parce qu'à aucun moment l'auditeur n'est rassuré, rien n'est fait pour son plaisir d'écoute. Cette écoute se fait même l'oreille aux aguets, sachant pertinemment qu'il va se passer quelque chose. On éprouve la même impression que de se retrouver par une nuit noire, seul dans une rue glauque, en train de se demander ce qui va bien pouvoir surgir au coin de la rue (l'enchaînement "Zepo Epp" / "Trip Train" / "Ball Of Fame").
En d'autres mains des pistes comme "Cement Surfboard", "Do You Want To Give Money" ou "Meter Man" auraient été des singles flamboyants. Sous le traitement des Sic Alps, elles sont des pop songs vénéneuses, fêlées et bancales. C'est ce qui fait finalement tout leur charme.
Et si à la lecture de cet article vous vous demandez encore si ce disque vaut le coup c'est normal : on peut l'adorer le matin et le détester le soir
Frank
Tracklisting :
01-Jolly
02-Eat Happy
03-Cement Surfboard
04-Country Medecine
05-Do You Want To Give Money
06-Saint Peter Writes His Book
07-Zeppo Epp
08-Trip Train
09-Ball Of Fame
10-Ranger
11-My My Lai
12-Wake Up,It's Over
13-Meter Man
14-Occult Display
15-Wasted At Church
16-Turtle Soup
17-The First White Man To Touch California Soil
18-Super Max Lament On The Way
19-May Ltd
20-Low Kid
21-March Of The Skies
22-Nathan Livingston Maddox
Pour les parisiens Sic Alps sera avec Demon's Claws à la Mécanique Ondulatoire ce mardi.
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