Derek And The Dominos - Layla & Assorted Love Songs (1970)

Eric Clapton est un excellent guitariste. On ne poussera pas le bouchon jusqu'à remettre en cause cet axiome. Néanmoins, il est aussi l'artiste le plus surestimé de l'histoire du rock. Certains seront choqués, d'autres considéreront qu'on enfonce une porte ouverte mais il faut bien se rendre à l'évidence : on a jamais compris la place si particulière qu'occupe Clapton et comment on a pu monter au pinacle des disques au mieux dispensables. Déjà au sein des Yardbirds, l'impact de Clapton est à relativiser : ces derniers étaient un honnête groupe de rythm and blues mais c'est bien l'arrivée de Jeff Beck en lieu et place de Clapton qui dynamise le groupe et rend les Yardbirds indispensables. Cream ? Passé un album indispensable, l'excellent Disraeli Gears, que reste-t-il ? De très bons morceaux disséminés sur des albums moyens que l'histoire du rock n'a d'ailleurs pas spécialement retenu mais surtout des titres interminables responsables du pire à venir durant les seventies. Tiens même si Clapton n'en est pas directement responsable, il y a-t-il encore des gens qui s'extasient sur les 13 minutes de solo de batterie de "Toad" sur Wheels On Fire ?
Blind Faith ? non on préfère pas l'évoquer celui-ci...
Et s'il on aborde la carrière solo du God ? Que retenir ? 461 Ocean Boulevard archétype de l'album considéré comme un classique et qui 30 ans après est d'une platitude absolue ? Non définitivement on ne peut comprendre l'engouement pour des disques qui finalement ne se retiennent que pour des pochettes assez laides et peu en rapport avec leur contenu (E.C Was Here ; Pilgrim...). Reste quand même d'honnêtes disques de blues où il rend hommage à ses idoles (BB King, Robert Johnson). Un peu maigre toutefois.

Et pourtant, Eric Clapton quand il est encadré, intégré au sein d'un groupe et pas dans la position du leader auquel tout est permis, est un formidable musicien. Trois exemples sont assez révélateurs : l'album au sein des Bluesbreakers de John Mayall formidable condensé de blues rock par les meilleurs gâchettes de l'époque, le premier Cream donc malgré les réserves évoquées plus haut et surtout cet album mirifique au sein des Derek And The Dominos, intitulé Layla And Other Assorted Love Songs.

Le groupe se créé sur les cendres de Delaney And Bonnie, précédent groupe de Clapton avec Bobby Whitlock (clavier, chant), Carl Radle (basse) et Jim Gordon (batterie). A noter que Radle jouera ensuite sur le All Things Must Pass de Georges Harrison et le Naturally de JJ Cale tandis que Gordon aura joué en tant que musicien de studio sur des albums des Beach Boys, des Byrds ou de Gene Clark !

Le groupe est rejoint en studio par Duane Allman du Allman Brothers Band. Si à l'origine Duane Allman devait n'enregistrer que quelques morceaux il finira par apposer sa patte sur quasiment toutes les pistes du disque, contribuant à ce son de guitare si singulier et immédiatement remarquable qui illumine les compositions du groupe. Epaulé par une telle gâchette et un tel backing band, Eric Clapton, libéré, livre sans doute les plus belles compositions de sa carrière. Car il s'agit bien ici du travail d'un véritable groupe et certainement pas du travail d'un seul homme, aussi doué soit-il.

Les compositions sont écrites pour l'essentiel par Clapton et Whitlock à l'exception de "Nobody Knows You When You're Down And Out" de Jimmie Cox, "Have You Ever Loved A Woman" popularisé par Freddie King une autre idole de Slowhand, "Key To The Highway" classique de Big Bill Broonzy et surtout "Little Wing" hommage posthume donc de Clapton à Hendrix qu'il revérait.

Si l'histoire a retenu le titre "Layla" pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la musique, force est de constater qu'il ne s'agit pas du meilleur titre de l'album. Outre les reprises citées plus haut, "I Looked Away" et "I Am Yours" semblent toucher par la grâce, tandis que "Anyday" ou "Tell The Truth" permettent de mesurer quels guitaristes exceptionnels étaient Clapton et Duane Allman.
A vrai dire on a beau chercher, il n'y a vraiment aucune piste en trop ou dispensable sur ce disque laid back qui plus de quarante ans après sa sortie conserve une réelle fraîcheur.


Layla And OtherAssorted Love Songs a eu une réputation de disque maudit tant par l'échec commercial cuisant à sa sortie (le fait que Clapton est refusé de le sortir sous son nom l'explique pour partie) mais aussi et surtout puisqu'il s'agit du dernier enregistrement studio de Duane Allman qui décède en 1971 d'un accident de moto (n'est sorti du vivant de Duane Allman que le Live At Fillmore East puisque l'accident mortel a eu lieu durant les enregistrements de l'album Eat A Peach)

Quoiqu'il en soit, que l'on apprécie ou pas Clapton, si ce dernier a mérité un jour son surnom de God, c'est bien pour ce disque.

Frank

PS : la pochette du disque n'est autre que La Fille Au Bouquet du peintre Emile Frandsen

1. I Looked Away (Eric Clapton / Bobby Whitlock) - 3:05
2. Bell Bottom Blues (Clapton) - 5:02
3. Keep On Growing (Clapton / Whitlock) - 6:21
4. Nobody Knows You When You're Down And Out (Jimmy Cox) - 4:57
5. I Am Yours (Clapton / Nezami) - 3:34
6. Anyday (Clapton / Whitlock) - 6:35
7. Key To The Highway (Charles Segar / Big Bill Broonzy) - 9:40
8. Tell The Truth (Clapton / Whitlock) - 6:39
9. Why Does Love Got To Be So Sad ? (Clapton / Whitlock) - 4:41
10. Have You Ever Loved A Woman (Billy Myles) - 6:52
11. Little Wing (Jimi Hendrix) - 5:33
12. It's Too Late (Chuck Willis) - 3:47
13. Layla (Clapton / Jim Gordon) - 7:04
14. Thorn Tree In The Garden (Whitlock) - 2:53

En écoute ici :
http://grooveshark.com/#/album/Layla+And+Other+Assorted+Love+Songs/1117446

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