17 juillet 2011

La nuit d'enfer par Joseph Moncure March

« La nuit d'enfer ? C'est le livre qui m'a donné envie de devenir écrivain ».Qui parle ?
William S. Burroughs.

Là, d'un coup j'ai presque envie de stopper ma chronique car cette seule citation devrait vous conforter dans l'idée d'acheter ce bouquin, non ?
Faut-il vraiment que je continue ? Allez, je continue.
Je continue car il s'agit d'une nouvelle édition datant de novembre 2008, soit 80 ans après la première parution de cette poésie. Car il s'agit bien de poésie que cette histoire narrant la Wild Party (titre en version originale) de Queenie, superbe blondasse un peu (!) salope sur les bords, narguant son mec (un violent) en se frottant contre un jeune bellâtre tout frétillant de distribuer son amour.
Une poésie agrémentée d'une mise en images d'Art Spiegelman, le seul dessinateur à avoir obtenu rien de moins qu'un prix Pulitzer pour son travail publié en 1986 sur la Shoah : MAUS (point de rock'n roll mais cette relecture des camps nazis à partir de souris et de chats est indispensable).
En outre, Spiegelman est le créateur du magazine Raw, contrepoint de l'époque à la revue Weirdo dirigée par Robert Crumb.
Du très lourd, n'est-ce pas ? D'autant que cette édition de chez Flammarion est absolument magnifique : une couverture cartonnée pour un format du plus bel effet, une sobriété élégante au service d'un classique de la littérature américaine.

Puisant dans le rythme syncopé du jazz, La nuit d'enfer captive rapidement le lecteur, l'entraînant dans la moiteur d'une soirée arrosée où les bouches se collent les unes aux autres au son d'un saxo ivre de notes. Difficile de ne pas poser un vinyle sur la platine en tournant les pages de cette histoire...(Hier soir, je l'ai relue à l'écoute du Sonic Boom de Lee Morgan).
Ce qui frappe d'emblée, c'est la fougue des personnages, le côté rentre-dedans qui paraît anachronique pour un bouquin de 1928. C'est crû. On y croise des homos qui se chamaillent, une lesbienne à l'affût, des mecs bourrés qui se tabassent...Tout ceci au beau milieu de corps qui s'entrelacent dans l'infidélité la plus totale. Un bijou, donc.
Joseph Moncure March fut également l'auteur d'une poésie ayant fait l'objet d'un film : The Set-up (1949), réalisé par Robert Wise à propos d'un vieux boxeur à la recherche de la gagne...que je place carrément sur le podium des longs métrages consacrés à la boxe.

Ah j'oubliais. Cette édition vous offre également la version anglaise à la fin du livre. Inutile de dire que cette version sonne cent fois mieux que le français, certes agréable, mais bien moins « punchy » que l'originale...
Pour conclure, et si je puis me permettre de donner des idées (…), Une nuit d'enfer serait le parfait exemple de poésie à lire à voix haute par un comédien sur scène avec un pianiste à ses côtés (voir le spectacle récent sur « L 'Or » de Blaise Cendrars, récité sur scène par un excellent conteur en compagnie de l'harmoniciste Jean-Jacques Milteau).

A bon entendeur.

Mr BOF



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