Mister Nostalgia par Robert Crumb

Héros de la contre-culture US explosant dans les 60's, haï des féministes, adulé des lecteurs de comix, Robert Crumb ne laissait personne indifférent. Son amour des jeunes femmes aux cuisses et aux mollets gigantesques, sa haine du modernisme à tout crin, son écrasante timidité, son amour démesuré pour le blues et son dégoût du rock...Comment ne pas évoquer dans les pages de Rawpowermag' cet illustre dessinateur ô combien symbolique d'une époque qui n'en finit plus d'être commentée ?

Le créateur de Fritz The Cat, le dessinateur de la pochette de Cheap Thrills, l'homme qui refusa de travailler sur l'artwork d'un Rolling Stones parce qu'il n'aimait pas leur musique, ce gaillard là était un collectionneur fou de disques de blues. Le genre de type qui allait taper à la porte des petites vieilles dans des patelins paumés afin de fouiller dans leur grenier, dénicher la perle rare, un vinyle même rayé qu'il ne possédait pas était un cadeau du ciel, une pépite qu'il achetait à vil prix, alimentant un stock, que dis-je, une montagne de disques tous plus rares les uns que les autres.

Depuis quelques années, l'éditeur Cornelius publie en France des anthologies de Robert Crumb sous un format et un papier délicieux. En septembre 2007 paraît Mister Nostalgia, recueil de 16 histoires publiées entre 1969 et 1999, ayant trait à cette passion dévorante qu'il avait pour le blues, pour des icônes telles que Charley Patton, Leadbelly ou bien encore Blind Lemon Jefferson.
Robert Crumb s'attache à dépeindre le quotidien des bluesmen à leurs débuts, la solitude, l'alcool et le sexe, les bagarres. Un sombre pessimisme envahit ces pages. Derrière l'humour, le constat est toujours amer chez Crumb. Sa critique de l'Homme est acerbe. Et peu importe l'époque.
Enfin, que voulez-vous...Les joies (fantasmées) du sexe et de la musique lui font passer la pilule. Il nous raconte son adolescence et son cheminement vers la collectionnite aigüe, ses rapports caustiques avec son prochain, dépeignant sans pudeur son insupportable caractère...

Je terminerai par les propos de son propre personnage dans l'histoire « Qu'est devenue la merveilleuse musique de nos grands-parents ? » parue en 1985 :

J'étais une nuit récemment au Bluebird Nightclub à Forth Worth, Texas. La musique était bonne, un orchestre de blues mexicain, deux guitares électriques, une basse électrique et deux saxos...Je prenais presque mon pied...Mais après un moment, j'ai ressenti ce vieux sentiment d'exaspération, et à la fin, j'étais broyé, dégoûté...Pourquoi faut-il que ça soit si fort, bordel ?? S'ils jouaient en acoustique, la musique sonnerait tellement mieux ! Electricité de merde ! En fin de compte, ça peut se résumer à ça...

Mr BOF.