Commençons cette critique par une évidence : il est des albums qui sont plus difficiles à chroniquer que d'autres. C'est le cas de ce disque opportunément nommé Album, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, la politique commerciale ayant précédé l'édition dudit Album s'est avérée pour le moins curieuse : plusieurs morceaux qui en sont extraits étaient disponibles dés l'année dernière en single et sur la Toile (par des chemins numériques plus ou moins légaux). Ce choix était très susceptible d'annihiler tout effet de surprise, les morceaux qu'il restait à découvrir pouvant s'avérer décevants au regard de ce qui avait déjà pu être écouté.
Ensuite, le buzz rattaché à tout groupe indie artificiellement affilié au "genre shoegaze", supposé être la martingale pour vendre à peu près tout et n'importe quoi à l'amateur de rock indé moyen, aurait également pu faire craindre le pire (combien d'enfants illégitimes de Ride ou de Jesus & Mary Chain, par exemple ?).Ces deux éléments mis bout-à-bout ont provoqué chez votre serviteur un sentiment d'excitation un brin hystérique (ce dernier est allé chercher son exemplaire chez un Agitateur d'Idées bien connu ... le jour de sa sortie aux Etats-Unis !) mêlé à une réelle appréhension.
Comme son patronyme l'indique, le groupe Girls a pour thème de prédilection le seul qui ait quelque intérêt : les filles.
Le leader du groupe, Christopher Owens, fait ainsi de ses compositions de superbes petits récits épiques, nourris de frustrations, d'amours ratées, et de déceptions en tout genre, distillés dans des morceaux dont les titres évoquent parfois des prénoms féminins qu'on devine douloureusement évocateurs.
Laura et Lauren Marie sont ainsi des supplications mises en musique sur un ton badin pour la première, et nettement plus obscur pour la seconde. Si Laura évoque une confrontation plutôt faite de cris, reproches et engueulades bien senties, sur une rythmique rock cisaillée par un refrain plus mélodieux (pour faire revenir la belle ?), Lauren Marie est quant à lui un morceau plus tendu, évoquant de façon particulièrement douloureuse le thème de l'amour impossible.
Ghost Mouth est un morceau sur la même tonalité musicale, mélancolique et nonchalante, aux sonorités doucereuses et déchirantes.
Mais ce qui constitue la marque de fabrique de Girls, c'est cette capacité à générer des morceaux inscrits dans la pure tradition hippie-folk californienne, subtilement agrémentée de motifs sonores noisy-pop : il en résulte de magnifiques moments de grâce, desquels exsudent des vapeurs lysergiques qui font que les mélodies entrent dans la tête de l'auditeur pour ne plus en ressortir ...
Les sommets de l'Album entrent dans cette catégorie, tel le splendide Summertime, morceau entamé au rythme d'une balade innocemment mélancolique, qui s'achève sur un impénétrable mur de guitare. Basé sur une structure similaire, mais sur un rythme plus lent et plus lourd, l'étourdissant Hellhole Ratrace envoie l'amateur de bon son en apesanteur en un peu plus de six minutes qui s'avèrent, au final, bien trop courte !
Cependant, Girls n'oublie pas les amateurs de noisy "pure et dure", et en profite pour leur jouer un tour pendable : le hautement addictif Morning Light solde en effet les comptes de l'héritage porté par My Bloody Valentine à grands coups de riffs de guitare saturés, mêlés à des chants éthérés dignes des fameux irlandais ... mais sur un rythme d'une vélocité infernale !
Même le tube psychobilly Big Bad Mean Motherfucker est empreint d'un psychédélisme particulièrement corsé, donnant une saveur particulière à un style musical pourtant très stéréotypé.
Le morceau Curls constitue, pour sa part, une petite plage instrumentale isolée, gorgée du soleil de la Côte Ouest, dont rêverait le groupe Air s'il était encore capable d'en trouver le chemin.
Mais ce qui rend cet Album particulièrement délectable, c'est l'ironie mordante, parfaitement mise en musique, qui transparait tout au long de l'oeuvre.
En effet, la pose misérabiliste de Christopher Owens le-roi-des-peines-de-coeur ne doit évidemment pas être prise au sérieux : en témoigne le morceau Lust for Life (sounds familliar ?) qui décrit de façon particulièrement cruelle l'existence d'une ancienne petite amie du chanteur au son d'une mélodie inhabituellement enjouée.
De même, le ton exagérément mélodramatique de Owens sonne comme une parodie irrévérencieuse du chant de Kurt Cobain, traduisant de sa part une façon amusante d'échapper enfin à l'ombre gigantesque et toujours présente de la figure christique de Seattle.
Owens va d'ailleurs jusqu'à paraphraser Sinnead O'Connor, qui peut être considérée comme un monument en matière de "pathos-pop", de façon totalement nonchalante.
Ce cocktail savamment dosé d'ironie, de psychédélisme, de dramaturgie excessive et de noisy acérée fait de cet album l'un des plus importants de cette année 2009, et très probablement, de l'avis de votre serviteur, l'album de l'année !
Mr Indie
http://www.myspace.com/girls
Tracklisting :
1 - Lust for Life
2 - Laura
3 - Ghost Mouth
4 - God Damned
5 - Big Bad Mean Motherfucker
6 - Hellhole Ratrace
7 - Headache
8 - Summertime
9 - Lauren Marie
10 - Morning Light
11 - Curls
12 - Darling
Le clip du fulgurant Morning Light :
Le clip de Lust for Life :
J'adore cet album. Surtout les 2 premiers morceaux.
RépondreSupprimerPar contre le chanteur sur scene je me demande toujours pourquoi il fait le flamant rose avec sa guitare ??