Sous le nom de Cardinal se cachent deux surdoués de la pop, l'Américain Eric Matthews et l'Australien Richard Davies. L'album du même nom reste leur unique collaboration à ce jour, et demeure un trésor bien caché. En 1992, Davies tourne avec son groupe, The Moles. A Londres, il écrit quelques chansons. Il part ensuite pour Boston, où il retrouve sa girlfriend. C'est là qu'il fait la connaissance d'Eric Matthews. Celui-ci est sorti des conservatoires de San Francisco et de Nouvelle-Angleterre. Avec un complice batteur, Bob Fay, Matthews et Davies s'amusent à jouer et à écouter des disques. Les morceaux écrits à Londres servent de base. Cette genèse de l'album n'a rien de glorieux, comme l'expliquera plus tard Davies : " Il n'y avait pas de raison particulière pour que Cardinal fonctionne. En traficotant ces chansons, jouées sur des instruments à deux sous, dans le sous-sol pourri d'un quidam, avec deux rigolos américains, je me suis demandé : "qu'est-ce-que je fous là ?". Les choses sérieuses se mettent en place dans l'Oregon, où l'album est enregistré en mars 1994. Matthews, fort de ses connaissances musicales, réalise les arrangements de cordes, joue du piano, de la basse, de la trompette, de la guitare, chante...Davies, lui, s'occupe des guitares et du chant. Bob Fay a été débarqué, Steven Hanford et Tony Lash s'occcupent désormais de la batterie. L'album sort en 1994, un mini-culte se met aussitôt en place. C'est à bon droit : le disque, en effet, est des plus intriguant. Sur chacun de ses onze titres plane une ombre indéfinissable. Malgré la beauté des mélodies et des arrangements, en dépit de la douceur des voix, Cardinal donne l'impression d'être habité d'une humeur noire. Les trompettes, ici, semblent sonner l'arrivée de hérauts porteurs de bien mauvaises nouvelles. La basse de Matthews, sourde, habite les morceaux avec gravité. "If You Believe In Christmas Trees" illustre à merveille cette pop en trompe-l'oeil, où un couplet léger ("Listen to the sound/That makes the world go round") se voit bien vite taché d'un jet de bile ("Don't know what I've done/To frighten everyone"). Cette ambiguïté fait tout le prix de ce disque. Les mélodies célestes abondent ("If You Believe In Christmas Trees", "You've Lost Me There", "Silver Machines"), tandis que, plus curieuses, "Public Melody # 1" et "Angel Darling" sont imprégnées de cette familiarité mêlée d'étrangeté que dégagent certains rêves. La pop de Cardinal se refuse aussi bien à la joie béate qu'à la mélancolie facile. Elégante mais parfois rugueuse (ces basses ! ces guitares, sèches comme des os !), mystérieuse sans fumisterie, sobre sans être glacée, la musique de Matthews et Davies appelle les paradoxes. Le mot de la fin à Richard Davies : " it's easy for the right people to make good music".
(M.Pop)
(M.Pop)
Un nouveau disque des Moles est sorti récemment, et il a l'air très bien !
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