1971 : lessivé par quatre albums du Velvet, et autant d'échecs, Reed retourne habiter chez ses parents. Ceux-là mêmes qui permirent à un psychiatre d'infliger à leur fils des séances d'électrochoc pour le guérir de ses « tendances homosexuelles »...
1972 : Lou Reed livre à RCA « Transformer ». L'album recèle « Walk OnThe
Wild Side », le seul succès de son auteur. Les « tendance » ont du bon : « Walk On The Wild Side », avec ses portraits de travestis, atteindra la 16ème place des charts pop, en 1973.
Les artisans de cette métamorphose sont, en toute simplicité, David Bowie et Mick Ronson. Bowie, en pleine phase Ziggy, est l'icône pop de l'heure. Pas chien, il propose à RCA de produire l'album d'une ses idoles, Lou Reed. Marché conclu. Pour mettre toute les chances de son coté, Ziggy amène à New York la plus vicieuses des araignées : Mick Ronson. Guitariste, arrangeur, pianiste, l'homme participe aussi aux vocaux, à l'enregistrement et au mixage...Rien n'est laissé au hasard : tout en rigueur, Bowie se montre sobre et clean lors de l'enregistrement de l'album. Pas vraiment le cas du new yorkais. Selon Ken Scott, l'ingénieur du son, lorsque Reed arrivait en studio, « on voyait tout de suite qu'il était complètement parti, et qu'il serait comme ça pendant toute la session. Une fois qu'il avait compris ce dont on parlait, il pouvait quand même faire ce qu'on lui demandait. Seulement ce n'était pas facile de lui faire comprendre»...
Qu' à cela ne tienne ! Si l'album s'intitule « Transformer », c'est bien Lou Reed qui est revu, revisité, transformé. Loin des expérimentation du Velvet Underground, Bowie et Ronson façonnent un délicieux écrin pop. Qu'on en juge. « Vicious » met d'entrée l'auditeur dans sa poche, avec sa basse joufflue et ses guitares acides. « Andy's Chest », où se mêlent le phrasé erratique et intoxiqué de Lou Reed et les choeurs naïfs (« swoop swoop » !) a la saveur d'un bonbon au poivre. Vient le premier sommet de l'album, cet inusable « Perfect Day ». Ecoutes après écoutes, le morceau reste toujours aussi poignant. Boire de la sangria dans un parc, traîner au zoo, finir au ciné : la dérive new yorkaise de « Perfect Day » est un modèle de débine...Histoire de se requinquer, déboule alors « Hangin' Round », pépite glam aux guitares cintrées, sur fond de piano à la Jerry Lee Lewis. Merveille des merveilles, « Walk On The Wild Side » reste le plus étrange des tubes. D'une voix détachée, Reed croque quelques portraits de travestis. Le trait est acéré, mais jamais cruel, et les Holly, Candy,Jackie qui peuplent le morceau deviennent alors étrangement familiers...Le tout est servi sur un fond sonore des plus curieux : une contrebasse doublée d'une basse forment l'essentiel de l'instrumentation, des pinceaux effleurent la batterie, cordes et choeurs enrichissent la sauce...jusqu'au solo de saxophone final, incongru, et pourtant essentiel. Sur « Make Up », Lou Reed prend quelques accents à Jim Morrison. On pense aussi à l'éloge du maquillage fait par Baudelaire...S'ouvrant sur la voix désabusée et sarcastique de Reed, pour aboutir à un final tout en volutes de choeurs enjoués, « Satellite Of Love » est, elle aussi, un must. La mineure « Wagon Wheel » (pourtant écrite par Bowie...) mène à la délicieuse futilité de « New York Telephone Conversation ». Les guitares se débrident enfin, le temps d'un « I'm So Free » presque optimiste. Il est alors tant de tirer sa révérence, et de chanter « Goodnight Ladies ». Les travestis rhabillés, c'est un Lou Reed décavé qui se retrouve bien seul : « Ah, anyway my tv dinner's almost done.It's a lonely saturday night. ». L'album se clôt sur cette touche mélancolique... Une mélancolie bien paradoxale, pourtant. En effet, cet album farci d'histoires de déglingue, de prostituées, de dope, de solitude procure, toujours, un curieux sentiment, mélange de tristesse, de douceur et de consolation. Le disque idéal pour un dimanche matin pluvieux...
(Mr Pop)
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